Par une ordonnance du 21 juin 2022, le Juge des référés du Conseil d’Etat a confirmé l’ordonnance du juge des référés du Tribunal Administratif de Grenoble suspendant la délibération du conseil municipal du 16 mai 2022 de la commune de Grenoble en tant qu’elle approuve l’article 10 du règlement des piscines municipales autorisant le port de certaines tenues de bain. 

Par cette délibération, le conseil municipal de Grenoble avait autorisé le port du Burkini à l’intérieur de la piscine municipale.

Le Préfet de l’Isère avait déféré  cette délibération devant le juge du référé suspension. L’association Alliance citoyenne et la Ligue des droits de l’homme étaient intervenues volontairement à l’instance.


L’affaire du Burkini refaisait donc surface.

Attentatoire au principe de laïcité et/ou signe de soumission des femmes, notamment, pour ses opposants, la liberté religieuse doit pouvoir s’exercer dans tous les espaces pour celles et ceux qui le défendent.

Néanmoins, l’interdiction du Burkini fondée sur le principe de laïcité serait contraire à la liberté de conscience, et à la liberté religieuse.

En effet, la loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État, est, notamment pour Régis Debray, « avant tout une construction juridique fondée sur une exigence de la raison : l’égalité en droit de tous les êtres humains ».

Or, c’est sur ce principe d’égalité que le Conseil d’Etat s’est fondé pour suspendre l’autorisation du Burkini dans les piscines municipales.


L’argumentaire du juge des référés

Dans le 8ème Considérant, le Juge des référés développe l’argumentaire suivant :

« 8. Le gestionnaire d’un service public est tenu, lorsqu’il définit ou redéfinit les règles d’organisation et de fonctionnement de ce service, de veiller au respect de la neutralité du service et notamment de l’égalité de traitement des usagers. S’il lui est loisible, pour satisfaire à l’intérêt général qui s’attache à ce que le plus grand nombre d’usagers puisse accéder effectivement au service public, de tenir compte, au-delà des dispositions légales et réglementaires qui s’imposent à lui, de certaines spécificités du public concerné, et si les principes de laïcité et de neutralité du service public ne font pas obstacle, par eux-mêmes, à ce que ces spécificités correspondent à des convictions religieuses, il n’est en principe pas tenu de tenir compte de telles convictions et les usagers n’ont aucun droit qu’il en soit ainsi, dès lors que les dispositions de l’article 1er de la Constitution interdisent à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers. Cependant, lorsqu’il prend en compte pour l’organisation du service public les convictions religieuses de certains usagers, le gestionnaire de ce service ne peut procéder à des adaptations qui porteraient atteinte à l’ordre public ou qui nuiraient au bon fonctionnement du service, notamment en ce que, par leur caractère fortement dérogatoire par rapport aux règles de droit commun et sans réelle justification, elles rendraient plus difficile le respect de ces règles par les usagers ne bénéficiant pas de la dérogation ou se traduiraient par une rupture caractérisée de l’égalité de traitement des usagers, et donc méconnaîtraient l’obligation de neutralité du service public. »

Il considère que « l’adaptation exprimée par l’article 10 du nouveau règlement doit être regardée comme ayant pour seul objet d’autoriser les costumes de bain communément dénommés « burkinis », d’autre part, il résulte de l’instruction que cette dérogation à la règle commune, édictée pour des raisons d’hygiène et de sécurité, de port de tenues de bain près du corps, est destinée à satisfaire une revendication de nature religieuse ».

Pour le juge des référés du Conseil d’Etat, la dérogation accordée aux porteuses de Burkini porterait atteinte à l’ordre public, en caractérisant une rupture d’égalité de traitement des usagers, méconnaissant donc le principe de neutralité du service public.


Le port du burkini comme une attente à l’hygiène publique

L’Ordre Public serait méconnu en ce que la dérogation accordée porterait atteinte à l’hygiène publique et à la sécurité publique… Les risques de noyades seraient-ils plus importants avec cette tenue ? Par ailleurs, sur l’hygiène publique, peu de personnes portent leur burkini dans la rue… 

On remarque surtout que le Juge des référés cherche à sanctionner une délibération visant à satisfaire une revendication de nature religieuse.

L’on comprend donc que la rupture d’égalité proviendrait de ce que les autres usagers ne revendiqueraient pas le port de vêtements spécifiques pour raisons religieuses.

Il n’en reste pas moins, que si cette décision peut apparaître discutable, elle révèle le défi auquel les pouvoirs publics sont confrontés : faire conjuguer liberté religieuse avec laïcité, espace public et droit des femmes.


Le cabinet Neos Avocats Conseils de Boulogne sur mer vous accompagne dans vos démarches et vos représentations en justice.